Covid-19 : "une pandémie dure au minimum deux ans" selon le docteur Hitoto

SWEET FM
Le docteur Hikombo Hitoto
Crédit : Noëlline Garon

Publié : 17 mars 2021 à 22h01 par Noëlline Garon

Depuis plus d'un an, les soignants sont mobilisés contre la pandémie de Covid-19. Les premiers malades sont arrivés au centre hospitalier du Mans en mars 2020. Découverte d'un nouveau virus, usure des soignants, organisation des services : le docteur Hikombo Hitoto, infectiologue et chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHM nous raconte cette année particulière.

Est-ce que, en tant qu’infectiologue, vivre une épidémie comme le Covid-19, sur le plan scientifique, cela peut être "excitant" ?

A titre personnel, moi je ne trouve pas ça excitant, j'utiliserais plutôt le terme "intéressant". Sur le plan infectiologique, c’est aussi l’étude d’un modèle de prise en charge d’une maladie émergente. En cela on peut trouver que c’est excitant : avec la découverte de nouveaux modèles de prises en charge de patients, de gestion des équipes, du matériel, des médicaments. J’ai vraiment pu observer la dynamique qui s’est mise en place autour de la prise en charge des malades. Quelle place donner aux patients, à leurs proches, aux autres professionnels de santé. C’est une maladie où clairement, on a dû travailler de manière pluridisciplinaire : avec le pneumologue, le kiné, les infirmières. C’est plutôt cet aspect-là que j’ai trouvé intéressant.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans cette épidémie ?

Ce qui m’a enthousiasmé, c’est la solidarité qu’il y a eu entre les soignants, c’est quelque chose que, je pense, personne n’avait connu jusqu’ici, d’aussi fort en tout cas. Et puis la réaction du public pendant la première vague, qui nous applaudissait. Nous, le personnel soignant, on traversait des moments difficiles. Ce geste donnait un sens finalement à notre mission de soins. Ce qui m’a aussi marqué c’est la gestion humaine des familles, que ce soit pour un deuil ou des visites. Il fallait limiter les visites pour la sécurité des proches et des soignants, ce n’était pas toujours évident.

Vous souvenez-vous du premier cas de Covid-19 que vous avez vu arriver au centre hospitalier du Mans ?

Le premier cas, je crois, est arrivé en réanimation. C’était une surprise de voir tout le cortège de symptômes qu’on nous décrivait. Je n’ai pas le souvenir d’un cas en particulier, ils sont arrivés assez rapidement par vagues. Un jour, on nous dit qu'il y a un ou deux cas... Mais dès le lendemain aux urgences et au Samu, ils avaient un nombre d’appel exponentiel. On est monté jusqu’à cent patients par jour atteints du Covid-19 durant la première vague.

Cela fait un an désormais que les premiers cas de coronavirus ont été traités au CHM, est-ce que vous imaginiez qu'on en serait encore là aujourd'hui ?

Au départ, j’espérais que ça ne dure pas trop longtemps. Je savais que la clé était dans l’application des gestes barrières, mais je ne savais pas combien de temps ça allait durer. Maintenant on ne parle plus d’épidémie mais bien de pandémie, et je sais que ça met un certain temps avant d’être éradiqué. Et puis en juillet dernier, lorsqu’on nous a dit qu’il y avait des retards sur la mise à disposition des vaccins, là j’ai compris que ça allait encore durer. Ce qui va conditionner la durée de la pandémie, c’est aussi la rapidité avec laquelle on va vacciner la population pour atteindre une immunité collective. Globalement, une pandémie ça peut durer au moins deux ans pour en sortir.

Est-ce qu’avant cette crise sanitaire vous aviez déjà été confronté à d’autres épidémies ?

Jusque-là, on s’était préparé, par exemple pour l’épidémie Ebola si jamais elle traversait l’Equateur pour venir dans le nord. On s’est préparé pour les épidémies des anciens coronavirus, notamment le MERS-COV, il y avait quelques cas en France en 2012. Mais on n’avait jamais vraiment été confronté à une épidémie de cette ampleur.

Est-ce qu’on peut craindre que d’autres épidémies de ce type ne se produisent ?

Les pandémies et épidémies font partie de notre histoire donc il y en aura encore. Tant qu’on ne comprendra pas leurs origines, cela se reproduira. Il faut continuer de travailler sur nos relations avec la  nature. Je pense aux zoonoses, ces maladies transmises par les animaux. Je pense aussi qu’à chaque épidémie, on apprend de nouvelles choses sur la gestion de ces phénomènes, il faut essayer de mieux se préparer pour la prochaine fois.  

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