Le retour aux 90 km/h, un choix risqué ?
Publié : 15 janvier 2020 à 13h52 par Julien Dubois
Depuis le début de cette année, les départements ont la possibilité de repasser à 90 km/h sur une partie de leur réseau, sous certaines conditions établies par le Conseil national de la sécurité routière, une instance présidée par l'Ornais Yves Goasdoué.
Les Conseils départementaux ont désormais la possibilité de demander un relèvement de la limitation de vitesse de 80 à 90 km/h sur une partie de leur réseau routier. Une dérogation prévue dans la loi d’orientation des mobilités a été promulguée fin décembre dernier. Et ce, un an et demi après l’abaissement de la vitesse maximale sur l'essentiel du réseau secondaire français, une mesure dont la mise en place à l'été 2018 reste controversée et dont on peut penser qu'elle est l'une des causes du sentiment de déconnexion entre les élites dirigeantes et la vie quotidienne dans les campagnes.
De nombreuses conditions à remplir
Les collectivités devront respecter une série de règles édictées par le Conseil national de la sécurité routière pour abandonner les 80 km/h : ce relèvement ne pourra s’effectuer, par exemple, que sur des portions de dix kilomètres sans "tourne-à-gauche" ni croisement. Et autre impératif de taille : la route ne peut être empruntée par des engins agricoles. Ces conditions restrictives, l’Ornais Yves Goasdoué, président du CNSR, les assume et tient à les justifier : "Le jour où il y aura un pépin sur un secteur où la vitesse aura été augmentée, les ayants droits, les familles, viendront demander des comptes" estime-t-il. Une sorte de mise garde envers les élus, dont certains ont annoncé depuis plusieurs mois leur volonté d’un retour aux 90 km/h.
De la prudence dans certaines collectivités
La Haute-Marne est le premier département à avoir sauté un pas. Et il devrait être prochainement imité par l’Orne. Lors de sa traditionnelle cérémonie des vœux, le président du conseil départemental, Christophe de Ballore, a réaffirmé sa volonté de rehausser la limitation de vitesse sur 2 400 kilomètres de routes. Mais les difficultés à mettre en œuvre ce changement et la responsabilité en cas d’accident mortel en ont découragé plus d’un. "Vous avez l’illustration dans l’ouest de la France, avec la plupart des départements bretons, ainsi que la Manche […] Leurs services techniques leur disent, attention, c’était peut-être politiquement une bonne affaire, mais c’est extrêmement difficile à mettre en œuvre" explique Yves Goasdoué.
Attendre la fin de la période d’expérimentation
Dans de dossier, le président du CNSR regrette également une certaine forme de précipitation après la mise en place de la mesure, en juillet 2018 : "Le passage à 80km/h devait se faire sur une période d’expérimentation qui s’achève en juillet 2020. Pourquoi ne pas attendre cette date pour vraiment voir si on a une baisse du nombre de morts et de blessés ?". L’élu ornais regrette par ailleurs les déclarations de certains élus, qui y ont vu une action contre les territoires ruraux : "En réalité, c’est au contraire une mesure pour la ruralité, on ne se tue pas sur des routes bilatérales sans séparateurs en ville, on se tue en campagne !". Mais Yves Goasdoué concède tout de même que le timing choisi pour la mise en place de cette nouvelle règlementation, ajoutée à d’autres, n’était "peut-être pas le bon"... quelques mois avant le début du mouvement des "gilets jaunes".