[ENTRETIEN] Marie-Amélie Le Fur, à la tête du Comité paralympique
Publié : 14 février 2024 à 11h58 par Noëlline Garon / crédit photo : Tuan Nguyen
La Loir-et-chérienne Marie-Amélie Le Fur préside le Comité paralympique et sportif français. Pour Sweet FM, elle revient sur son parcours athlétique, son handicap et son engagement pour le développement du parasport.
Pour les jeux de Paris, vous ne serez pas sur la piste, mais être à la tête du Comité paralympique, c’est aussi un défi ?
C’est une année à enjeux. Notre mission première c’est de guider la délégation française sur ces jeux, faire en sorte que les sportifs français évoluent dans les meilleures conditions possibles. Notre deuxième mission : que ces jeux soient utiles pour la pratique sportive du quotidien de toutes les personnes en situation de handicap, pour que demain l’offre sportive se développe. A l’approche de ces jeux, on sent que le sport a une place nouvelle, plus importante, on en parle plus. Le champ du sport handicap est plus reconnu et médiatisé. On souhaite que cette dynamique puisse se poursuivre à l’issue des jeux.
Vous commencez l’athlétisme toute petite, mais à 15 ans vous êtes victime d’un accident de la route, qu’est-ce qu’il se passe ensuite ?
C’est la force de l’entourage, des proches, de ma famille, ma sœur, qui vont m’aider à repartir. Face à ce handicap, on se dit "mieux vaut adopter une posture positive, continuer à avancer". Très vite je verbalise cette envie de recourir. Mes parents s’y accrochent. Au début ça a été difficile, on s’est heurté à beaucoup de difficultés, de contraintes, de critiques. Mais on a fini par trouver des gens qui nous ont accompagnés. Quatre mois plus tard, c’est la reprise du sport sous les yeux de mes parents, de mon coach Cyrille Nivault qui m’a aidé à grandir et à gagner tous mes titres paralympiques. De mon parcours, je retiens surtout ces rencontres qui m’ont fait grandir, voir un autre pan de la société avec les difficultés que connaissent les personnes en situation de handicap.
Comment s’est passé votre rééducation et la mise en place de votre prothèse à la jambe ?
La prothèse ne fonctionne pas du tout comme une jambe donc il faut apprendre à comprendre ces nouvelles sensations, les maîtriser, dompter la prothèse. Faire en sorte que cette restitution d’énergie qui nous est donnée par la prothèse soit productive pour le mouvement. Il y a eu tout un travail avec mon coach, la prothésiste pour que j’arrive à me réapproprier ce corps nouveau, différent, peut-être un peu diminué dans un premier temps mais on a su en dompter les limites et même les repousser. C’est comme ça que les personnes qui m’ont entourée, ont fait de moi une athlète de haut niveau.
L’une des difficultés pour les athlètes handisport, c’est le coût de ces équipements ?
C’est une problématique qui est bien identifiée par le comité. On conçoit l’accès à la pratique sportive pour une personne en situation de handicap comme un continuum allant de la prise de conscience qu’on peut faire du sport à la pratique effective. Dans ce parcours, vous avez énormément de freins, comme l’autocensure, le frein économique, l’identification de l’offre, parfois on ne sait pas où pratiquer, dans quelles structures. Lors de la conférence nationale du handicap, il a été annoncé que le matériel sportif serait mieux pris en compte pour les personnes en situation de handicap, notamment concernant le remboursement des fauteuils ou des prothèses. Il y a aussi un accompagnement humain qui est essentiel pour être au plus près des sportifs. Il faut prendre tout ça en compte pour faciliter l’accès au sport.
A chaque édition des jeux, on a l’impression qu’il y a comme un coup de projecteur sur le parasport, et ensuite on en parle moins ?
On a tendance à réduire la médiatisation du parasport aux jeux paralympiques. Globalement, on en parle tous les deux ans, avec ceux d’hiver et ceux d’été, et derrière on tourne la page. Si on veut vraiment faire rentrer le parasport, le sport handicap, les jeux paralympiques, dans le foyer des Français, c’est un travail au long cours. Avec une médiatisation de tous les jours qu’il faut renforcer. Mais si on regarde en arrière, il y a déjà un cap qui a été franchi, avec les jeux de Tokyo. Au comité, on travaille aussi avec les rédactions pour que la façon de parler de ces jeux paralympiques soit la bonne. Il faut parler de ces athlètes comme des sportifs de haut niveau et votre donnée d’entrée ça ne doit pas être le handicap mais la performance.
Est-ce qu’on peut rêver, un jour, d’un traitement égal entre Jeux olympiques et paralympiques ?
Déjà au sein des jeux, toutes les disciplines ne sont pas traitées de la même manière. Certains sports sont plus visibles que d’autres. On doit faire en sorte que dans ce paysage du sport français, on arrive à faire émerger de nouveaux sports, de nouveaux profils peut-être plus confidentiels. Ce sont des sportifs qui ne sont pas moins méritants, les entraînements sont aussi rigoureux.
Votre première médaille d’or, c’était à Londres en 2012, sur le 100 mètres T44, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous y pensez ?
C’était un moment de bonheur et de joie immense. Mon premier titre, ça marque une carrière sportive. J’avais la chance d’avoir mes proches et ma famille à mes côtés donc ça donne une saveur particulière à cette victoire. Et puis ce stade de Londres était merveilleux, avec 80 000 personnes. Je garde un bon souvenir de ces jeux grâce au public et aussi des volontaires mobilisés.
En tout vous avez décroché neuf médailles, quel a été votre meilleur souvenir ?
En plus du souvenir de ma première médaille d’or, les jeux de Rio étaient forts aussi pour moi avec deux médailles d’or de record du monde. Ce sont les jeux les plus aboutis sportivement pour moi.
Et votre pire souvenir olympique ?
Le souvenir le plus difficile ça restera les jeux de Tokyo. Avec une déception sportive où je n’ai pas atteint mes objectifs. Un sentiment de solitude aussi, être loin de la famille, des coachs, c’était difficile à gérer.
Autre point marquant parmi les sportifs qui pourraient être présents, il y a des Loir-et-chériens, Benjamin Pillerault ou encore Raphaël Beaugillet, c’est un signal encourageant ?
C’est très positif. Je sais que Benjamin et Raphaël travaillent très dur pour leurs qualifications. Raphaël Beaugillet a gagné une médaille de bronze lors des jeux à Tokyo. Pour moi, c’est une grande fierté que deux sportifs qui viennent de ma région, puissent, potentiellement faire les jeux.
Aux sportifs engagés sur les jeux, on souhaite bien sûr de décrocher des médailles, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter à vous ?
Une belle réussite pour les sportifs ! L’ambition pour le comité, c’est de rentrer dans le top 8 des nations paralympiques donc gagner un peu plus de vingt médailles d’or. C’est deux fois plus que ce qu’on a décroché à Tokyo. L’ambition est grande mais on sent que les sportifs sont en forme pour y arriver !