L'intelligence artificielle au musée : les acteurs culturels sont divisés

IA

Modifié : 12 mai 2025 à 22h48 par Bastien Bougeard

Le monde de l’art est bousculé par le développement massif de l’intelligence artificielle. Entre curiosité, réprobation ou acceptation et questionnement, le sujet ne laisse pas indifférents les acteurs culturels de Blois.

"Une œuvre d’art réalisée avec l’intelligence artificielle est elle le fruit de l’homme ou de la machine ?" : voilà un sujet sur lequel pourraient disserter les bacheliers de philo... Cette question triture déjà les neurones du monde artistique et en filigrane, une autre interrogation se dessine : peut-on, doit-on exposer une réalisation quand elle est le fruit de l'IA, dans un musée ? Et si oui, dans quelles conditions, avec quelles réserves ? Miguel Lebron, directeur artistique des Galeries Wilson à Blois, reconnaît bien volontiers que la problématique suscite depuis quelque temps d'intenses débats entre professionnels dans le microcosme de la culture.

"Quelque chose de présent dans notre quotidien"

Dans cet espace d’exposition situé dans le quartier Vienne, on trouve des tableaux, des sculptures... Mais pas question, pour l'heure en tous cas, de montrer des oeuvres réalisées grâce à l'IA : "C’est une chose à laquelle nous réfléchissons et je pense que nous ne pouvons lutter contre une technologie qui est déjà présente" poursuit celui qui est aussi artiste plasticien à Montrieux-en-Sologne. "L’IA est un outil, il existe et nous ne pouvons aller contre un dispositif déjà présent dans notre quotidien. S'il permet à des artistes d’exprimer des émotions, c’est très bien, car il y a bien une réflexion humaine derrière un projet : c’est comme ça qu’est rédigé notamment un prompt pour produire une image par exemple".

Miguel Lebron

La question de la propriété intellectuelle

De l’autre côté de la Loire, à la "Maison de la BD", on se montre plus réticent quant à l'exposition d'œuvres contenant de l’IA : "Nous aimons le dessin au crayon, les rustines sur les planches" développe le directeur, Bruno Génini. "Nous sommes peut-être un peu à l’ancienne sur ce sujet, mais il ne faut pas oublier que les logiciels d’intelligence artificielle absorbent l’existant pour produire quelque chose, cela pose une sérieuse question sur les droits d’auteur et la propriété intellectuelle".

Un besoin de sensibilisation

Une inquiétude renforcée par la récente vague de portraits photo transformés en dessins ouvertement inspirés des films d'animation d'Hayao Miyazaki -sans son assentiment-. "Le grand public commence à s’approprier cette technologie" constate Miguel Lebron, convaincu, comme Bruno Genini, qu'il est urgent d'user de pédagogie : "On peut imaginer des ateliers pour apprendre à se servir et à mieux appréhender l’IA" dit-il, reconnaissant devoir lui-même "se former pour comprendre avant de transmettre aux autres".

Bruno Genini

L’IA au Printemps de Bourges

Et les visiteurs, seraient-ils prêts, eux, à payer pour voir des œuvres réalisées grâce à l’IA ? Bernard, un Indrien croisé sur le parvis du château de Blois, n'est pas chaud : "Je suis un manuel et on m’a toujours parlé de l’intelligence de la main. Il y a des musées exceptionnels. Pour l’IA, je ne suis pas prêt. Peut-être que la génération qui viendra après-moi y sera plus sensible". Pour autant, l’IA s’est invitée sur d’autres scènes, et pas des moindres, comme au Printemps de Bourges ou un concert a été en partie donné sur la dernière édition avec le concours de l’intelligence artificielle. Et la salle affichait complet.