Quelle est la réalité de la prostitution en Centre-Val-de-Loire ?

Fanny Collard et Mathilde Brière de la Fédération régionale des CIDFF.

29 février 2024 à 18h47 par Nicolas Terrien

Evidemment, il est difficile de se représenter exactement l’ampleur du phénomène. Entre tabous et discrétion extrême poussant à l’invisibilité, police, justice et professionnels du médico-social s’accordent pourtant sur un même constat : le nombre de personnes en situation de prostitution est en hausse constante en région Centre-Val-de-Loire.

Les amateurs de données statistiques précises en sont pour leurs frais. Lorsque l’on parle de la prostitution, il existe très peu de ressources pour s’en représenter l’ampleur. On se reposera donc sur quelques remontées qui émanent des associations d'aide et d'accompagnement des victimes engagées dans un parcours de sortie, comme les Centres d’information sur les droits des femmes et des familles. "Ce serait entre 30 000 et 50 000 personnes, dont 10 000 mineurs, au niveau national, mais ce n’est qu’une estimation" expose Mathilde Brière, la coordinatrice de la fédération régionale des CIDFF. Car la réalité est sans doute bien au-delà, entre des flux migratoires qui favorisent ce type d’activité, et une hausse globale de la précarité très fortement ressentie dans de nombreuses couches de la société.

Ecoutez le reportage de Nicolas Terrien :

L’exemple du Loir-et-Cher

Dans un département très rural comme le Loir-et-Cher, la prostitution est une réalité observée au quotidien par David Lenglet. Ce juriste qui anime localement l’antenne du CIDFF à Blois s’appuie d’ailleurs sur des constats ressortant d’enquêtes menées sur le territoire. "En 2023, nous avions relevé seulement 96 cas de prostitution, ce qui semble peu". Car les gens répondraient au regard de leur idées reçues sur cette situation qui revêt tant de formes, bien au-delà du cliché de la prostituée dans la rue. "Ça peut être sur internet, ou la femme qui se prostitue auprès de son voisin pour un chariot de courses, ou le phénomène du cadeau contre un acte sexuel chez les jeunes, la prostitution étudiante, ou dans des camionnettes en bord de route". A cela s’ajoutent les situations de ces migrantes déboutées du droit d’asile qui se prostituent pour rester sur le territoire, ou encore cette autre inquiétante tendance : "On observe de jeunes mineurs partant sur Paris le week-end pour se prostituer, et revenir en début de semaine...".

La prostitution en Loir-et-Cher, un reportage de Nicolas Terrien.

Quels accompagnements possibles ?

Dès lors, on comprend mieux la difficulté de cerner la question, souvent liée aussi aux mouvements de populations. Et pour accompagner les victimes de la prostitution en Centre-Val-de-Loire, le mouvement du Nid est mobilisé sur le Loiret, l’Indre-et-Loire et l’Eure-et-Loir, en allant même jusqu’à organiser des maraudes. Dans les autres départements, ce sont les CIDFF qui servent de "boussole" pour les personnes souhaitant s’en sortir. La loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel a d’ailleurs instauré le parcours de sortie de prostitution (PSP). "Il permet aux personnes de bénéficier d’une allocation, et pour celles qui en auraient besoin, d’une autorisation provisoire de séjour qui donne le droit de travailler" explique Fanny Collard, cheffe de projets au CIDFF. Les associations réclament d’ailleurs plus de moyens afin de mener à bien leurs missions sur tous les territoires.