[Entretien] Yoann Kowal vise une troisième participation aux JO

4 mars 2024 à 16h50 par Noëlline Garon / crédit photo : Yoann Kowal

Yoann Kowal, qui est né à Nogent-le-Rotrou, s’entraîne en ce moment pour atteindre son objectif : une troisième participation aux Jeux olympiques, en 3 000 mètres steeple.

Vous avez annoncé il y a peu que pour les Jeux vous porterez la flamme. C'est une grande fierté ?


C’est la continuité de mon parcours de sportif investi depuis de nombreuses années, je suis sportif de haut niveau depuis dix-sept ans. Je trouve que la symbolique est forte, elle est belle. C’est une petite pierre en plus pour moi au niveau de l’olympisme. Je construis à ma manière cette préparation avec déjà une émotion particulière. Porter la flamme à Périgueux où je vis désormais, c’est quelque chose de grand et je suis vraiment très fier.


Vous êtes en pleine préparation pour ces jeux. A 36 ans, quelles sont vos chances ?


C’est un objectif personnel. Si on prend les statistiques, les Jeux je suis plus à les suivre derrière ma télé que dans le stade. Mais moi j’y crois, je mets tout en place avec ma femme, mon entourage, mon coach, mon kiné pour être au top niveau, en tout cas tout tenter pour ne rien regretter. J’ai tout un staff qui m’accompagne, on y croit, c’est un petit cocon fort qui m’aide à croire en mes rêves.


Quand vous parlez des statistiques qui ne sont pas en votre faveur, qu’est-ce que vous entendez par là ?


Je suis passé sur marathon. Mais l’an dernier, pour aider mon club de Périgueux, j’ai remis les pointes et refait de la vitesse. Et j’ai retrouvé du plaisir. Je suis de retour en 3 000 mètres steeple, ce qui n’était pas prévu. Je fais 8’30 et troisième au championnat de France avec une préparation tronquée, puisque je venais de courir le marathon de Paris en 2 heures 14. Courir 8’30 c’est bien mais pour les Jeux, il faut faire moins de 8’15. Si on pose ça sur une piste je suis à 80 mètres des minimas olympiques. Etant donné ce que j’ai fait à l’entraînement, pour moi, ce n’est pas impossible.


Est-ce que votre âge est un critère déterminant ?


En France, on accorde trop d’importance à l’âge, à ce que fait son voisin. On est trop dans la comparaison. Tant que je prends du plaisir à mettre mes pointes, je trouve de la vitesse. Aujourd’hui je vis de ma passion, ça m’anime à chaque fois que je chausse mes basket, ça c’est une vrai force. Récemment, j’ai couru un 3 000 mètres où je fais 7’52. Tant que je me sens bien, l’âge ce sera sur mon passeport uniquement.


Votre préparation se poursuit, comment ça se passe ?


Je suis allé au Kenya m’entraîner en décembre et janvier. Ce n’est pas toujours évident en France d’aller s’entraîner, de faire du bi-quotidien quand on se prend la pluie, le vent, le froid. Mais j’y vais, j’ai toujours cette motivation c’est une passion. Quand c’est plus difficile, on se remémore nos objectifs et ça nous aide. Je vais aux Etats-Unis du 16 mars jusqu’à fin avril et j’enchaîne trois compétitions là-bas sur la fin du séjour. J’aurai alors un indicateur sur mon état de forme.


Sur quels points vous devez encore vous améliorer ?


Ma faiblesse c’est de me reposer ! On m’a toujours surnommé "le stakhanoviste des pistes". Je fais beaucoup de kilomètres, de musculation. Quand j’ai préparé mon premier marathon à Londres, j’étais trop perfectionniste, jusqu’à peser mes légumes, faire attention au sommeil, à l’alimentation. Tout était calculé minutieusement. Il faut trouver le juste milieu, s’entraîner dur mais s’entraîner intelligemment. Le plus dur c’est de s’arrêter quand j’ai des jours de repos. Alors que tout va bien. Et ça c’est parfois difficile à accepter. Mais il faut aussi que ton corps se régénère.

Dans votre préparation vous êtes donc allé au Kenya, c’était important ?


J’y suis allé pour la première fois en 2009, j’ai fait des stages réguliers là-bas. Le Kenya, c’est 2 400 mètres d’altitude donc on a une dette d’oxygène plus conséquente, c’est plus dur de s’entraîner. Avec les dénivelés, les parcours sont plus exigeants, chaque footing c’est 200 à 250 mètres de dénivelés, les muscles travaillent plus. On peut aussi s‘entraîner par groupe, il y a tous les niveaux. J’ai fait un footing à plus de cent coureurs. On croise des champions qui sont hyper accessibles. C’est le berceau de l’athlétisme mondial. Ce stage, ça permet aussi de se remettre en question, de se rendre compte qu’on n’a pas besoin de grand chose pour faire de la course à pied. L’autre avantage, c’est le climat équatorial avec 25 degrés en moyenne tout au long de l’année. Tu es en shirt et T-shirt alors qu’en France tu mettrais des gants et un bonnet. L’entraînement n’est pas le même.


A quel moment vous saurez si vous participez aux Jeux ?


La Fédération française d’athlétisme est l’une des dernières à donner la liste des athlètes qualifiés. Disons que pour être sûr, le coureur qui fait moins de 8’15 sur 3 000 mètres steeple, qui est champion de France, sera présent aux JO. Pour l’instant, aucun Français n’a réalisé ce temps. En juin aux championnats de France on aura une idée. Mais pour la sélection stricte, ce sera officiel fin juillet.


Deux participations aux Jeux, à Londres en 2012 et Rio en 2016, quelle est votre plus beau souvenir olympique ?


A Rio, je finis sixième, je sors du stade. J’avais eu peu d’occasion de voir mes proches et je n'avais qu’une envie, c’était de passer du temps avec eux. On part à Copacabana et dans le tramway, on ne parle pas portugais. Un groupe de supporters rentre, on se met à chanter avec eux. Mon beau-père enlève son T-shirt "France" qu’il avait pour me soutenir, il l’échange avec le vêtement d’un Brésilien, ensuite on se retrouve sur la plage. Pour moi, c’est ça l’esprit olympique.


Ces Jeux de Paris, à domicile, vont aussi avoir une saveur particulière ?


Il y aura une pression supplémentaire à gérer. Je fais de la sophrologie pour rester concentré. J’ai déjà couru au Stade de France quand j’étais plus jeune mais ce sera différent cette fois. Le plus, ce sera le soutien du public.