Avenue Bollée au Mans : pourquoi veut-on abattre les arbres ?

Au Mans, l'avenue Bollée, février 2024

22 février 2024 à 21h17 par Emilien Borderie et Clément Rohée

L'abattage programmé des deux-cents érables qui arborent l'avenue Bollée, au Mans, suscite une vive opposition. Il s'agit d'une phase préliminaire au chantier des "Chronolignes", longuement argumentée dans les documents accompagnant l'enquête publique qui s'ouvre début mars.

Dans le cadre du vaste projet "Chronolignes", visant à créer un réseau de liaisons bus fiables et confortables pour desservir l'agglomération du Mans, les élus de la majorité prévoient d'abattre les deux-cents grands érables qui bordent l'emblématique avenue Bollée. S'il s'agit par ailleurs aussi d'implanter des pistes cyclables sécurisées et d'élargir les trottoirs, cette perspective assez radicale suscite beaucoup de réactions négatives : une pétition en ligne a été signée par de nombreux riverains de l'axe concerné ou d'autres quartiers -plus de 7 000 paraphes réunis à la date de ce jeudi 22 février-, ainsi que des demandes de "moratoire" exprimées par des représentants de l'opposition municipale comme par des conseillers départementaux élus sur ce secteur de la capitale sarthoise.

Un important volet de l'enquête publique

Pour autant, et si "traumatisante" soit-elle, la décision de supprimer ces arbres dits "d'alignement", qui avait été annoncée lors de réunions publiques il y a plusieurs mois déjà -même si des visuels fort trompeurs ont circulé dans des documents sans doute non contractuels mais bel et bien officiels-, se trouve argumentée sur pas moins d'une dizaine de pages dans l'enquête publique qui se déroulera durant un mois, à compter du 5 mars : accessibles par tous, il y est question d'état sanitaire des sujets, de cohérence d'aménagement, d'esthétique et... de nouvelles plantations. "Notre objectif n'est pas d'abattre des arbres pour minéraliser, c'est au contraite de dégoudronner, de replanter et de faire en sorte qu'il y ait, à terme, beaucoup plus d'espaces végétalisés !" assure Stéphane Le Foll, maire du Mans.

Stéphane Le Foll s'explique, au micro de Clément Rohée :
"Vue d'artiste" pour simuler l'après-chantier de l'avenue Bollée au Mans

Une dizaine d'arbres en plus

Sur les 199 arbres actuellement présents de chaque côté des 1 800 mètres de l'avenue Bollée, les documents d'enquête publique confirment qu'aucun d'entre-eux n'est préservé, tous sont abattus. A la place de ces érables plantés à la fin des années soixante-dix, il est prévu la plantation de 208 nouveaux arbres et la création de plusieurs massifs de plantes basses -l'illustration ci-dessus est un "avant-goût" de ce que sera l'avenue Bollée, secteur cours Châteaubriant, juste après les travaux-.

Avenue Bollée, au Mans

Trop proches des façades

Les érables de l’avenue Bollée sont, pour la plupart, plantés entre trois et cinq mètres des immeubles et frôlent les réseaux aériens : leur "houppier" -le feuillage- doit donc être rasé régulièrement côté façades, ce qui "réduit de moitié le volume", induit "un déséquilibre des masses" et crée "une fragilité complémentaire".

Au Mans, avenue Bollée

Trop près les uns des autres

"La distance de plantation entre les arbres ne permet pas un développement naturel du sujet" indique-t-on : six mètres seulement séparent les érables les uns des autres, les branches se touchent plus haut.

Base d'un érable de l'avenue Bollée dégradée

Vulnérables aux manœuvres automobiles

Dur, dur, d’être un arbre en ville : les troncs n’étant pas sérieusement protégés à leur base, ils sont parfois percutés et détériorés par des automobilistes peu habiles dans leurs manœuvres de stationnement. "Les dégradations à la base des arbres progressent rapidement" alerte le service "Nature en ville".

Au Mans, sur l'avenue Bollée

Diagnostic sanitaire nuancé

Le service "Nature en ville" du Mans a estimé, à l’issue de son dernier diagnostic effectué en juin 2023, que 40 arbres de l’avenue Bollée étaient en "bon état sanitaire" mais que 119 présentaient de "premiers signes de dépérissement", 37 étaient "en phase de dépérissement" et trois étaient en "dépérissement avancé".

Sur l'avenue Bollée, au Mans, un érable dégradé au niveau de la base du tronc

Vieillissement et vulnérabilité croissante

Le service "Nature en ville" note, entre 2019 et 2023, "une nette évolution défavorable certainement liée aux conditions climatiques de ces dernières années combinée avec le vieillissement des arbres". Les sujets devenant "moins vigoureux et aptes à réagir aux agressions", il est "fort probable qu’une majorité des arbres présente un risque de chute ou de rupture dans une fourchette temporel de cinq à dix ans. Or, par la succession d’arbres abattus au fil des prochaines années, l’homogénéité de l’alignement se trouvera déstructurée".

Budget consacré à l’entretien

Les documents versés à l’enquête publique chiffrent à environ 35 000 euros, tous les trois ans, le travail de coupe et de taille du feuillage qui doit être assuré pour canaliser le développement en largeur des érables de l’avenue Bollée. Par ailleurs, "les arbres demandent des précautions très importantes pour maintenir leur ancrage" ajoute-t-on.

Le Mans

Une ombre excessive

Si les uns saluent la fraîcheur apportée chaque été par les arbres de l’avenue, d’autres se plaignent "d’une ombre importante sur les façades nord", côté impair : "Parfois dérangeante pour certains riverains" est-il mentionné.

Le péril lié aux travaux

Maintenir les érables en place les exposerait à de sérieuses dégradations pendant les travaux, au niveau des racines. "Les arbres étant déséquilibrés au niveau de leur houppier côté rue, si les racines sont aussi touchées, ils risquent de devenir instables et donc dangereux. Il est donc pertinent de revoir l'ensemble de l'alignement pour des risques mécaniques. Les arbres actuels sont complexes à entretenir et très couteux : ils le seront d’autant plus à l’avenir après avoir subi les travaux" argumente le service "Nature en ville".

Au Mans, l'avenue de Paris dans les années 1900... qui allait devenir avenue Bollée

Bon, ça, on ne le trouve pas dans l'enquête publique... Mais pour l'anecdote, voici ce à quoi ressemblait l'avenue Bollée au début des années 1900 : l'axe s'appelait alors "avenue de Paris" et sa végétalisation donne une idée de ce que les Manceaux d'aujourd'hui auront sous les yeux, certainement, à la fin du chantier des "Chronolignes" près d'un siècle et demi plus tard. Patience, ça va pousser !

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