Éric Martineau, député agriculteur : "Il y a trop de contrôles"

Eric Martineau

Publié : 31 janvier 2024 à 16h39 par Corentin Allain / crédit photo : Sweet FM

Alors que la contestation s’intensifie ces derniers jours, entretien avec Éric Martineau, député MoDem de la troisième circonscription de la Sarthe et l’un des quinze parlementaires agriculteurs de profession.

Éric Martineau, comprenez-vous le mouvement de colère de la profession ?

Oui, c’est une colère qui n’est pas d’aujourd’hui. La difficulté c’est de pouvoir y répondre puisque pour moi il n’y a pas une agriculture mais des agricultures : entre les systèmes de production, les filières et les systèmes de vente, les problématiques sont totalement différentes.

 

La mobilisation est toujours forte malgré les annonces de Gabriel Attal vendredi dernier, est-ce un échec du Premier ministre ?

Non, parce que vu toutes les formes d’agricultures, s’il avait répondu en quelques jours à ces problématiques il aurait été très fort. Pour moi, le nerf de la guerre c’est le prix rémunéré aux producteurs et ça, ça ne va pas se faire sur un claquement de doigts.

 

A l’Assemblée nationale, il y a une quinzaine de députés de tous bords issus de l’agriculture. Est-ce que ça favorise le dialogue?

C’est vrai, ça m’est arrivé de me retrouver dans l’ascenseur avec André Chassaigne, député communiste, et de lui dire "André, sur tes retraites agricoles, je suis complètement d’accord avec ce que tu proposes. Et tu peux les présenter, je les voterai".

 

Député, ce n’est pas mon métier, j’aime mon travail de producteur de pommes. Sur la filière fruitière, je peux en dire pas mal, y compris des choses qui peuvent perturber.

 

En Sarthe, la grosse mobilisation la semaine dernière montre que l’impatience est forte dans le département. Un demi-millier de tracteurs au Mans, ça vous a surpris ?

Non, parce qu’il y a beaucoup d’agriculteurs en Sarthe. J’en connais beaucoup et ça ne m’étonne pas parce qu’il y a une colère qui monte de la campagne, et même de la base, qui dépasse les syndicats aussi.

 

Vous partagez certaines colères, comme la multiplication des normes ?

Oui, par exemple si vous êtes en bio ou haute valeur environnementale, ou que vous traitez avec certaines grandes surfaces, ça peut monter entre cinq et dix jours de contrôles non obligatoires par an. Et à la fin vous passez beaucoup trop de jours à faire des contrôles, et pour moi c’est un vrai sujet.

 

Et sur les produits importés ?

L’agriculture française est l’une des meilleures au monde, on ne le dit jamais assez fort. Il faut arrêter de s’auto-flageller. C’est pour ça qu’il va falloir rémunérer les agriculteurs pour leur travail. Quand la grande distribution dit "je suis toujours moins cher", ça veut dire qu’il faut que ça vienne de l’étranger.

 

Depuis une dizaine de jours, on ne voit plus du tout les représentants de la grande distribution. Où sont-ils passés ?

 

Qu’est-ce vous empêche, alors, de vous mobiliser à leurs côtés en ce moment ?

Il faut savoir accepter qui fait quoi et c’est difficile d’être juge et partie. Etre à l’écoute et présent, ok, mais aller manifester... Si mon associé veut y aller pas de problème, mais moi je préfère rester ouvert au dialogue. Notre ministre aussi est sur cette ligne.

 

La Mayennaise Valerie Hayer, fille d’agriculteurs, vient de prendre la tête du groupe centriste au Parlement européen. Vous comptez sur elle pour défendre l’agriculture française à l’échelle européenne ?

Oui, c’est quelqu’un que je connais et que j’apprécie. Je suis cosignataire d’une tribune envoyée à la présidente Von Der Leyen pour réaffirmer la position française contre le Mercosur et je compte sur elle pour qu’elle nous aide à lutter contre cet accord de libre-échange.

 

L’Europe a mauvaise presse auprès des agriculteurs. C’est difficile d’être agriculteur et europhile, vous assumez cette position ?

Oui il ne faut pas oublier que l’Europe c’est aussi la PAC, la Politique agricole commune. On fait comment, concrètement, sans elle ? Ce n’est pas possible. L’Europe, oui, ce sont des contraintes, mais regardez en blé, par exemple, on a besoin d’exporter. Et sans ce marché européen, il y aurait des difficultés.

Entretien avec Eric Martineau :