Michel Pastoureau ou la couleur "rebelle à l’analyse"
Publié : 13 octobre 2018 à 22h30 par Nicolas Terrien
L'historien spécialiste des couleurs a prononcé la conférence inaugurale du millésime 2018 des Rendez-vous de l'Histoire de Blois sur le thème de... la couleur ce vendredi 12 octobre. La couleur, pourtant si mal aimée des historiens de tous poils.
Selon l’adage, les goûts et les couleurs ne se discutent pas ! Voire ! En tout cas pas pour Michel Pastoureau, éminent spécialiste de la couleur qui sa carrière durant fait face à une chromophobie ambiante dans les milieux de la recherche. "Depuis les grands penseurs du XVIe siècle, la couleur passe pour être frivole et immorale" déplore le titulaire de la chaire d’histoire de la symbolique occidentale à l’EPHE. En remontant encore plus loin dans l’Antiquité, Platon n’était pas plus tendre quand il dénonçait "la perversion des couleurs" dans "Le Banquet". Alors de là à s’atteler à construire une histoire des couleurs jamais réalisée, il a fallu attendre la fin du XXe siècle avec... Michel Pastoureau !
Un problème de définition
"Donner une définition univoque de la couleur, c’est impossible" explique l’universitaire au micro pourtant rouge vif de Sweet FM. Même les dictionnaires peinent à nous éclairer en se lançant dans de longues explications à base de lumière, de sensation, de matière, de perception, cela montre bien la difficulté à saisir cette notion. A la fin de sa conférence, le chercheur prend le public à témoin : "ça fait une heure que je vous parle de la couleur, et que je ne vous montre rien ! Mais vous voyez de quoi je veux parler !". Le public blésois acquiesce logiquement, mais ses confrères historiens ne jurant que par les lignes et les courbes, un peu moins au fil de ses rencontres : "Lorsque nous parlons couleurs, je m’aperçois au bout de deux minutes que nous ne parlons pas de la même chose !".
"Depuis quand le vin blanc est-il blanc ?"
On finit par le comprendre. La couleur reste une notion abstraite, presque une catégorie préétablie dans le sens aristotélicien du terme... Et qui reste à définir. La couleur, c’est avant tout une affaire sociale, et pour la comprendre, il faut en passer par l’étude des sociétés. "La couleur est rebelle à l’analyse, concède Michel Pastoureau, et c’est tant mieux !". Et pour les historiens qui souhaitent poursuivre les travaux menés par le spécialiste des couleurs, qu’ils sachent que le débat reste tout vert. Pardon, ouvert !