Retraites : "Il s’agit de rebâtir notre pacte de solidarité" estime Jean Arthuis

SWEET FM
Jean Arthuis prône "la sérénité du débat" et pourfend "la méfiance permanente"
Crédit : Jean Arthuis / Facebook

4 janvier 2020 à 22h38 par Nicolas Terrien

Le climat social pollué par la guerre de tranchées entre gouvernement et syndicats inspire l'ancien ministre et ancien maire de Château-Gontier : Jean Arthuis s'est beaucoup épanché sur le dossier de la réforme des retraites sur son compte Twitter ces derniers jours. Interview.

Quel est votre regard sur cette crise sociale que traverse le pays sur fond de réforme des retraites ?

Jean Arthuis "Nous traversons une période difficile, car durant plusieurs décennies, nous avons vécu sous l’empire de l’Etat-providence. Les uns et les autres, nous avons pensé que l’Etat pouvait subvenir à tous nos besoins et à toutes nos attentes, sans mesurer l’impact de la mondialisation sur notre pacte de solidarité. La robotisation et le choc numérique ont entraîné des pertes d’emploi et des difficultés pour les personnes à se reconvertir. Ainsi, toute une partie de la population, mais aussi des formations politiques et des syndicats n’ont pas anticipé. Dans les années 80, la dette publique était de 20% du PIB. Elle est aujourd’hui à 100% [...] Nous avons mis du temps à comprendre la nécessité de réformer notre gouvernance publique.

Tout le monde ne l’a pas compris, comme en témoignent les oppositions qui se manifestent depuis un mois...

J’en entends certains comme les dockers qui ont entraîné la quasi-disparition des ports français au profit d’Amsterdam, de Rotterdam ou d’Anvers. Il existe certains conflits qui aboutissent à la disparition pure et simple des activités et des emplois. Je mets en garde contre cela. Nous avons tous les atouts pour réussir. A condition de réformer. La réforme des retraites telle qu’elle est proposée, c’est-à-dire un régime universel qui est une mise à égalité de tous les Français me parait être une bonne réforme. Cela fait vingt ans que je la préconise.

Pourtant, il n’y a pas que les cheminots qui la contestent. On voit aussi se mobiliser bon nombre de professions libérales, à l’image des avocats...

Pourtant, ce ne sont pas eux qui ont subi en première ligne les morsures de la mondialisation... Mais bien sûr, il s’agit de rebâtir notre pacte de solidarité autour des retraites en partant du principe que tout travail donne des points. Il faudra aussi se demander quelle fraction du PIB la société française est prête à mettre à la disposition de celles et de ceux qui sont à la retraite.

Chacun fait ses comptes, mais beaucoup de personnes considèrent que le compte n’y est justement pas...

Chacun fait ses comptes, mais je pense qu’il n’y a pas d’alternative si nous voulons préserver cette solidarité nationale. Certes, c’est difficile. Il faut beaucoup de pédagogie. J’entends des débats souvent d’une grande confusion avec des positions qui relèvent plus du rapport de force théâtral, au risque de prendre en otage les usagers du service public. Voudrait-on supprimer les conducteurs de métro que l’on ne s’y prendrait pas autrement, puisque seules les lignes automatiques 1 et 14 ne sont pas impactées [...]. Nous voyons bien que nos institutions traditionnelles et nos corps intermédiaires n’ont pu enclencher des réformes qu’à la condition qu’il n’y ait que des gagnants. Et pour qu’il n’y ait que des gagnants, nous nous sommes mis dans le rouge et dans un déficit public chronique.

Par votre raisonnement, est-ce admettre qu’il y aura de fait des perdants ?

Le gagnant doit être la solidarité nationale. Le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui est extrêmement périlleux et à terme, il n’est pas financé. Toute pusillanimité et toute procrastination est une forme d’irresponsabilité. Je crois qu’il faut rendre hommage au président de la République et au gouvernement qui entendent tenir le cap. Il faut expliquer, mais il faut de la compréhension de part et d’autre [...]. Mettons de la sérénité dans le débat, et sortons de la méfiance permanente !

Pourtant, nous voyons un gouvernement s’arc-bouter sur sa réforme et des syndicats qui ne sont pas disposés à lâcher un pouce sur leurs revendications... Comment s’en sortir ?

Dans l’Etat-providence, la culture ambiante était une culture d’opacité. Forcément, aujourd’hui, c’est l’épreuve de vérité.

Le gouvernement doit donc rester inflexible ?

Ce n’est pas de l’inflexibilité. Il s’agit de faire partager une vision et une ambition et de mettre chacun face à ses responsabilités. Encore une fois, le système tel qu’il fonctionne est dans une impasse et entraîne des déséquilibres entre professions qui font que cela ne peut pas continuer ainsi. La bonne réponse, c’est le régime universel à points [...]. Ce serait irresponsable de s’enfermer dans un conservatisme aveugle".

Jean Arthuis, interrogé par Nicolas Terrien