Sarthe : la bataille du pain perdue par les petits artisans
Publié : 6 octobre 2021 à 23h54 par Jonathan Lateur
Malgré l'opposition de la Fédération des artisans boulangers, le préfet de la Sarthe s'apprête à abroger l'arrêté qui encadrait la vente de pain dans le département.
Une histoire de blé. Dans la Sarthe, il sera bientôt possible de se fournir (légalement) en pain frais 7 jours sur 7. Le préfet, Patrick Dallennes, s’apprête en effet à abroger l’arrêté de 2001 qui obligeait les boulangers à observer un jour de repos hebdomadaire, même si dans les faits, certaines enseignes spécialisées et grandes surfaces ne respectaient déjà pas la réglementation en vigueur. A la suite du recours déposé par la société "GL Arnage", entité juridique de "Feuillette", la Cour administrative de Nantes a enjoint le représentant de l’Etat de consulter les professionnels de la branche, et à se ranger derrière l’avis majoritaire.
"La victoire des lobbys"
Ainsi, plusieurs concertations se sont tenues au cours des semaines écoulées en préfecture de la Sarthe. Lors de la dernière en date, ce lundi 27 septembre, Patrick Dallennes a confirmé aux différents participants l’évolution prochaine de la législation, vers davantage de souplesse. "Les chaînes et les grandes surfaces ont fait du lobbying pour faire tomber cet arrêté, comme auparavant dans d’autres départements. Cela faisait des années qu’elles ne le respectaient pas, qu’elles n’étaient pas en règle, mais elles ont malgré tout gain de cause" se désole Nicolas Doire, indépendant installé à Yvré-l'Evêque et président de la Fédération des artisans boulangers de la Sarthe.
Nicolas Doire préside la Fédération des artisans boulangers de la Sarthe © Jonathan Lateur
La fin de l’équité
Si le boulanger indépendant de Tuffé et l’hypermarché Auchan de La Chapelle-Saint-Aubin auront désormais autant le droit de vendre leur pain du lundi au dimanche sans interruption, la nouvelle réglementation devrait surtout profiter à la grande distribution et aux enseignes spécialisées : "Cela favorise les grands groupes car pour pouvoir être ouvert tous les jours, il faudra avoir une sacrée masse salariale, cela signifie beaucoup plus de charges pour un chiffre d’affaires légèrement supérieur, donc ce n’est pas intéressant sauf si l’on a beaucoup de personnel et qu’on peut le faire tourner" souligne Nicolas Doire.
Les boulangeries Ange resteront fermées le dimanche
Si "Feuillette" a été à l’origine de la fronde judiciaire obligeant les autorités à revoir leur copie, tous les acteurs de ce nouveau marché des enseignes spécialisées ne sont pas sur la même longueur d’onde : "Même si le nouvel arrêté nous le permet, nous resterons fermés le dimanche. Au-delà de la satisfaction de nos clients, nous prenons aussi en compte celle de nos collaborateurs, même si cela serait financièrement assez rentable d’ouvrir un jour de plus par semaine. Cela reviendrait à disposer d’un sixième établissement qui ne porterait pas son nom" assure Philippe Lévêque, propriétaire des cinq boulangeries Ange de l’agglo mancelle.
Philippe Lévêque dans sa dernière boulangerie Ange à Coulaines © Jonathan Lateur