Recrutement en restauration : des primes pour attirer et conserver le personnel
Publié : 13 octobre 2022 à 18h33 par Joris Marin / crédit photo : Sweet FM
D'après le baromètre de l'emploi du groupe Adecco-Analytics publié récemment, 4,5 millions de recrutements sont envisagés en France dans les douze prochains mois. C’est dans la restauration qu’il y a le plus de besoins. Pour attirer et conserver le personnel, certains commerçants proposent des primes. Reportage.
"Faire plaisir aux clients, ça me fait plaisir !" : voilà le leitmotiv de Gérald Pilon, propriétaire du restaurant Le Poulpe -dédié uniquement au poisson et aux crustacés frais-, situé face à la mer, sur la place du Petit-Enfer à Luc-sur-Mer. Pour le moment, le plaisir du commerçant n’est pas à son apogée en raison des difficultés à trouver du personnel. Dans le secteur, travail ne manque pas. D'après le baromètre de l'emploi du groupe Adecco-Analytics, 4 515 168 recrutements (tous secteurs confondus) sont envisagés à travers l'hexagone sur les douze mois suivant le 1er octobre 2022 -des CDI dans 43% des cas-. Sans surprise, ces recrutements sont très largement captés par des secteurs d'activité en tension : le service en restauration, les postes de magasinage et préparation de commandes, les métiers de personnels de cuisine, de nettoyage de locaux et le personnel polyvalent en restauration.
Le patron contraint d'enfiler le tablier
A l’ouverture du restaurant, fin juin 2022, Gérald Pilon a enfilé le tablier pour se retrouver en cuisine, loin des plans initiaux. Faute de personnel : "Pour cette raison, on a limité les plats pour effectuer de la qualité. On ne pouvait pas se permettre de faire une grande carte. On a même dû refuser des clients au vu de l’affluence entre le 14 juillet et le 15 août". A l’heure actuelle, "Le Poulpe" compte une quinzaine de salariés. Jusqu’à vingt-cinq l’été dernier, "avec des étudiants venus nous épauler pour la saison". En cette arrière-saison, les besoins sont moins importants, car la demande est moins forte, "même si on a bien travaillé en septembre avec les retraités et les couples sans enfant. En ce moment, on voit aussi pas mal de monde le week-end. Voilà pourquoi nous faisons appel à des extras en fin de semaine, en salle".
"Obligés de composer l’activité par rapport au personnel"
"Même avec les extras, on a du mal à ouvrir tous les lieux du restaurant. On est un peu juste en termes d’effectif". Le restaurant a une capacité de 150 couverts à l’intérieur et une quarantaine avec le rooftop et sa vue sur la mer. "Cet été, une à deux personnes étaient dédiées au rooftop, des étudiants. Aujourd'hui, on se retrouve sans personnel pour cet espace. Il est en libre-service pour faire plaisir aux clients. Oui, on l’ouvre, mais les équipes naviguent entre l’intérieur et cette terrasse sur le toit" explique le patron, un Nordiste d’origine, qui a vendu sa boulangerie-pâtisserie de la Folie-Couvrechef à Caen pour monter son projet à Luc-sur-Mer. Gérald Pilon ne regrette pas son investissement : "Je vis rarement dans les regrets, tout en sachant que le manque de main d'œuvre ne touche pas que la restauration. C’est aussi vrai dans la boulangerie-pâtisserie ou encore dans le BTP. Nous sommes obligés de composer l’activité par rapport au personnel. Ce n’est pas tout à fait normal à mon goût, là où on accueille le public".
Des primes d'assiduité et de transports
Gérald Pilon le sait, la crise sanitaire a rebattu les cartes : "Avec le Covid et la fermeture temporaire de nos établissements, certains employés en restauration avaient leurs soirées et leurs week-ends. Bon nombre d’entre eux ont préféré changer complètement d’orientation dans le but d’avoir une qualité de vie nettement meilleure qu’auparavant". Face à cela, le restaurateur, qui compte actuellement quatre personnes en arrêt maladie dont la durée d'absence est supérieure à un mois, a mis en place des primes d’assiduité et de transports : 130 euros par mois et par personne si le salarié vient bien travailler et 75 euros pour le carburant. "Une des seules façons pour pouvoir attirer et garder les employés. Un moyen aussi de se distinguer des confrères. De quoi attirer du personnel qualifié aimant ce qu’il fait" ajoute celui qui recrute en ce moment en salle.
Cinq restaurants pour vingt-cinq boulangeries vendus en 2021
Rafaël Magnien suit avec intérêt l’évolution du secteur depuis vingt-cinq ans. Cet homme de 45 ans possède une longue expérience comme négociateur de fonds. Il est responsable commercial pour Folliot Commerces, entreprise spécialisée principalement dans la vente de boulangeries-pâtisseries, de restaurants et de pharmacies, surtout en Normandie -surtout la Basse, un peu la Haute-, et parfois dans le nord de la Bretagne, en Mayenne et en région parisienne. S’il y a une période qui restera dans les mémoires, c’est la période de la crise sanitaire. L’an passé, Folliot Commerces a vendu seulement cinq restaurants, pour vingt-cinq boulangeries et cinq pharmacies. Le Covid est le responsable désigné. Les difficultés de recrutement n’aident pas.
"Se mettre en situation d'attente plutôt qu'acheter"
Si on en croit Rafaël Magnien, les clients -les professionnels des métiers de bouche- intéressés par des boutiques n’ont pas que les besoins en main d’œuvre comme source d’inquiétude. "L’appréhension est due à la hausse du prix des matières premières et des charges fixes. Il y a aussi, c’est vrai, l’augmentation de la masse salariale. Car quand vous ne trouvez aucun employé, il faut mettre un peu plus que le voisin dans les salaires. Résultat, on a des clients qui clairement préfèrent se mettre en situation d’attente, histoire de voir comment l’avenir va se dérouler, avant de s’engager" explique le responsable commercial qui ne note pas de ralentissement notoire depuis le début de l’année, seulement un petit tassement du marché depuis septembre.
"On gagne moins à son compte, mais ça permet de capitaliser rapidement"
Rafaël Magnien voit la vie avec le verre à moitié plein. "Cela fait longtemps que j’entends dire : notre métier va devenir de plus en plus difficile. Pour autant, cela fait vingt-cinq ans que je vis de cette profession. Mes collaborateurs aussi. Bon, c’est vrai, c’est un peu plus compliqué pour ceux qui sont spécialisés dans la vente de restaurants. On a vu pendant le Covid et juste après la transaction de supérettes-épiceries. Sept ventes l’an passé pour Folliot. On n’en faisait pas avant. Une nouvelle activité pour nous, on se diversifie pour vivre". A propos de gagner sa croûte, Rafaël Magnien parle avec passion de l’entrepreneuriat. "C’est une belle aventure, qui en plus permet des remboursements de crédits, sur une période très courte, sur sept ans. On gagne moins à son compte qu’en étant salarié, mais ça permet de capitaliser rapidement".