Rouen : le propriétaire savait-il que des prostituées occupaient ses logements ?

Proxénétisme Rouen

Modifié : 19 mai 2025 à 18h04 par Julien Dubois / crédit photo : AdobeStock

Un homme de 53 ans a comparu ce vendredi 16 mai devant le tribunal de Rouen : soupçonné d'avoir loué certains de ses logements à des prostituées venues de plusieurs continents, il plaide l’incertitude, malgré des signalements et courriers qui se sont multipliés entre 2022 et le début d'année.

Soupçonné de "proxénétisme hôtelier", un gérant de biens immobiliers a été jugé ce vendredi 16 mai devant le tribunal correctionnel de Rouen. L'homme aurait loué quatre de ses logements rouennais, situés rue Orbe, à des prostituées, et blanchi l'argent perçu via cette activité. Dès 2022, des voisins avaient effectué des signalements oraux et écrits auprès du syndic et du propriétaire, tandis qu'une femme de ménage avait rapporté avoir vidé une poubelle remplie de préservatifs usagés. En 2023, une enquête avait été ouverte après des violences impliquant une prostituée et un proxénète. Puis entre 2024 et 2025, des clients avaient admis à des policiers assurant une mission de surveillance avoir eu des relations tarifées dans les appartements, alors que les allers-et-venues se poursuivaient, de jour comme de nuit.

"Pas de certitudes"

Au cours de l'audience et malgré les preuves mises en avant, le prévenu n'a cessé de contester avoir délibérément loué ses logements à des prostituées. "Je n'avais pas de certitudes" a-t-il martelé. Mais sa défense a peiné à convaincre le président, qui lui a rappelé les courriers, signalements, auditions, assemblées générales du syndic, et échanges avec les autres propriétaires qui ne laissaient guère planer de doute sur la nature des activités pratiquées dans les logements loués via les plateformes "Booking" et "Leboncoin". "Vous auriez pu choisir de louer à des étudiants, sur une plus longue durée" lui a-t-il également lancé.

Proxénétisme Rouen

"Pas de moyens pertinents de faire sortir les gens"

L'avocat de la défense, maître Dereux, qui a plaidé la relaxe, estime que son client a été pris au piège des plateformes sur lesquelles ses logements étaient à louer : "Les personnes qui viennent, viennent de manière anonyme, sans aucune rencontre physique, avec des boîtes à clés. Effectivement, le contrôle ne peut pas s'opérer en amont. Généralement, il ne peut plus être effectué en aval puisque les gens sont partis. Il peut se poser la question du court laps de temps de présence, mais on se heurte à des difficultés d'ordre procédural, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de moyens pertinents de faire sortir les gens des logements de manière légale et rapide".

Les logements, un maillon du proxénétisme

Les dossiers de ce type semblent être de plus en plus nombreux dans les tribunaux. Dans celui-ci, l'association EACP, "Equipes d'action contre le proxénétisme", s'est portée partie civile pour rappeler la réalité de la prostitution et évoquer l'évolution de la filière, avec moins de prostituées dans la rue ces dernières années et un accès aux plateformes en ligne renforcé. "Lutter contre le proxénétisme, c'est lutter contre tous les maillons qui permettent au proxénétisme d'exister. Et là, en l'occurrence, le logement et la personne qui va s'enrichir via les logements, puisqu'il va directement récupérer l'argent issu de la prostitution, c'est évidemment essentiel" souligne maître Julia Massardier, avocate de l'association.

Trois ans de prison requis

A l'issue de l'audience, le ministère public a requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, 30 000 euros d'amende, une confiscation des logements et une interdiction de gérer des biens immobiliers pendant cinq ans. La femme du prévenu, avec lequel elle est en instance de divorce, a été entendue en tant que partie intervenante. Co-propriétaire des biens menacés de confiscation, elle s'est estimée "traumatisée par les évènements" qu'elle assure avoir découverts au moment de la garde à vue du couple, en février 2025. "C'est lui qui gérait à 100 % le parc immobilier". Le jugement sera rendu ce vendredi 23 mai.